Dans l’inconscient collectif, le gras, c’est l’ennemi de la diététique, le mal absolu. Combien de gens pensent encore que « manger gras rend gros » ? Qui n’a pas l’impression de grossir dès lors qu’il mange un morceau de fromage ou du chocolat ? Alors qu’évidemment, ce n’est pas vrai. Au contraire, manger gras rend vivant. Le gras c’est de l’énergie, le gras est synonyme de santé. Le gras est une formidable ressource nutritionnelle. Bref, le gras, c’est la vie !
Nos graisses alimentaires ne sont pas responsables de l’épidémie d’obésité actuelle. Dire le contraire est totalement faux. Par contre, on peut dire qu’elles participent à augmenter les risques de développer une situation de surpoids ou d’obésité (et bien d’autres maladies). Mais pour autant, il ne faut pas non plus ne rien faire et continuer de manger du gras en excès. En effet, ce n’est pas le gras en lui-même qui est néfaste mais l’excès de calories issues des graisses alimentaires. Ce qui est différent. On passe du statut « d’ennemi public n°1 » à « cause potentielle ». Un virage sémantique qui n’est pas sans conséquence.
On parle de « gras » depuis tout à l’heure mais de quoi parle-t-on vraiment ? Des graisses alimentaires, corporelles, animales, végétales ? Il y a de quoi se perdre dans cet univers diététique. Pour essayer d’y voir plus clair, nous allons dans un premier temps parler des différentes notions théoriques qui entourent les matières grasses (définitions, familles, différences), puis nous verrons pourquoi il faut cesser de les diaboliser, en les réhabilitant dans notre quotidien.
Un monde de « gras »
Connaissez-vous les différences entre ces différentes appellations : gras, graisses, lipides, matières grasses, acides gras, tissu adipeux ? Voyons cela tout de suite.
Graisse : la graisse est un tissu hypodermique et viscéral des vertébrés qui sert de protection thermique et de réserve énergétique. On parle aussi de graisse alimentaire lorsque celle-ci est extraite des plantes ou des animaux à des fins de consommation (cuisson, assaisonnement).
Tissu adipeux : ce sont nos graisses corporelles. On distingue les graisses sous-cutanées (sous la peau), les graisses viscérales, les graisses intra-musculaires et les graisses du sang. Toutes ont un rôle fonctionnel bien précis. En situation d’obésité, les cellules du tissu adipeux (les adipocytes) prolifèrent en nombre et en volume ce qui amène à un aspect hypertrophié de la silhouette et entraine généralement de nombreux risques de complication pour la santé.
Matières grasses : on parle de matière(s) grasse(s) dans la sphère culinaire, pour désigner l’ensemble des ingrédients riches en graisses qui entrent dans la composition ou la cuisson de nos plats comme le beurre, l’huile, la crème fraiche, la margarine, le saindoux, la graisse d’oie, la graisse de canard ou l’huile de coco.
Lipides : les lipides sont un terme diététique ou biologique qui désigne les nutriments énergétiques contenus dans les graisses (animales ou végétales), le tissu adipeux animal ou les matières grasses culinaires. Les lipides sont les composants fondamentaux de la matière vivante, constitués de plusieurs acides gras (molécule plus petite). Avec les protéines et les glucides, les lipides comptent parmi les 3 grandes familles de macronutriments.
Acides gras : les acides gras sont les constituants mêmes des lipides (sous-unité). Ce sont des molécules hydrophobes (non miscibles dans l’eau) hautement énergétiques composées de chaines de carbone et d’hydrogène (une sorte « d’hydrocarbure » puisque ce sont des molécules qui servent de carburant aux êtres vivants).
Gras : le gras est un terme transversal qui désigne ce qui est formé de graisse ou qui en contient. Il peut remplacer – parfois maladroitement – les différentes définitions ci-dessus : le gras du ventre (tissu adipeux), le gras de la viande (graisse animale), un plat gras (riche en matière grasse) ou encore les molécules de gras (lipides).
Finalement, ces appellations sont presque toutes des synonymes. Elles désignent le même tissu ou les mêmes molécules, mais en fonction du domaine dans lequel on se place, on utilisera l’un ou l’autre de ces termes. En cuisine, on parle de matières grasses, en diététique on parle d’acides gras et de lipides, en biologie on parle de tissus adipeux, et dans la vie de tous les jours on parle généralement de gras ou de graisse. À vous de choisir. 😉
Les différents type de graisses
Les graisses insaturées
Les graisses insaturées sont généralement admises comme étant de « bonnes graisses » pour la santé. En effet, elles permettent de diminuer le taux de cholestérol total (effet hypocholestérolémiant), d’atténuer la micro-inflammation (voir notre article sur les aliments anti-inflammatoires) et de stabiliser le rythme cardiaque. Compte tenu de leur composition en acides gras, les graisses insaturées ont une consistance fluide voir liquide à température ambiante (regardez vos huiles de cuisine comme l’huile de tournesol, de colza ou d’olive par exemple). En effet, ces molécules de gras présentent moins « d’aspérités » – dues aux sites chimiques libres qu’on appelle des insaturations – et « glissent » en quelque sorte les unes sur les autres. À la température du corps humain, elles restent fluides et ont moins tendance à boucher vos vaisseaux sanguins, contrairement aux graisses saturées qui sont solides à température ambiante (beurre, huile de coco, huile de palme, graisse de canard).
Les graisses insaturées se trouvent généralement dans les végétaux comme les avocats, les olives, les protéo-oléagineux (noix, noisette, arachide, soja) et les graines (lin, tournesol, courge, sésame) mais aussi dans certains poissons d’eaux froides comme le saumon ou les sardines.
Ces « bonnes » graisses insaturées se décomposent en deux sous-catégories : les monoinsaturées et les polyinsaturées. Les graisses monoinsaturées se retrouvent principalement dans l’huile d’olive, l’huile d’arachide, l’huile de colza, les avocats, les amandes, les noisettes, les noix de cajou et les graines de sésame. Les polyinsaturées sont contenues dans l’huile et les graines de tournesol, l’huile de maïs, l’huile de lin, les noix, les poissons gras et l’huile de colza (qui est très polyvalente).
Les oméga 3
Les acides gras oméga-3 sont aussi des graisses polyinsaturées (AGP). Ces acides gras sont considérés comme essentiels, car notre corps ne sait pas les fabriquer, ils doivent donc être apportés via notre alimentation. Les graines de lin, les noix et l’huile de colza sont de superbes sources d’oméga 3. Attention, ces dernières se dégradent facilement à la cuisson, c’est pourquoi il est préférable de les utiliser à froid sur des légumes ou en assaisonnement par exemple.
Environ 10% de nos calories quotidiennes devraient provenir des graisses polyinsaturées. Une trop faible consommation d’AGP augmente les risques maladies cardiovasculaires. Troquez donc de temps à autre votre beurre par un beurre d’oléagineux ou par une huile végétale.
Les graisses saturées
Tous les aliments contenant des graisses alimentaires sont constitués d’un mélange de différents types de graisses (saturées, monoinsaturées et polyinsaturées). Même les aliments dit « sains » comme le poulet ou les noix contiennent de petites quantités de graisses saturées, mais bien moins que celles que l’on trouve dans la viande de porc, le fromage, le beurre ou la crème fraîche. Les graisses saturées sont principalement contenues dans les aliments d’origine animale, mais certains aliments d’origine végétale sont également riches en graisses saturées, comme l’huile de coco ou l’huile de palme.
Il est recommandé de ne pas consommer plus de 10% de graisses saturées au cours d’une journée (en équivalent calorique), soit le contraire des graisses insaturées. Les aliments pourvoyeurs de ce genre de graisses sont : les pizzas, le fromage, les plats préparés, le lait entier, le beurre, le ghee (beurre clarifié), les desserts lactés, la viande transformée (saucisses, bacon), les biscuits et la plupart des produits ultra-transformés.
Pendant des années, on a entendu que les graisses saturées étaient mauvaises pour la santé. Cependant, quelques études suggèrent que les régimes alimentaires riches en graisses saturées n’augmenteraient pas le risque de maladies cardiovasculaires. On s’y perd encore… Ce qu’il faut plutôt retenir : ce n’est un excès de consommation des graisses saturées qui est nocif, mais un défaut de consommation de graisses insaturées combiné à un ratio trop déséquilibré entre les saturées et les insaturées.
Autrement dit, aucune graisse n’est bonne ou mauvaise en soi, le corps a besoin des deux. Il faut juste chercher un équilibre en consommant une plus grande quantité d’insaturées que de saturées. Sans jamais chercher un excès ou une élimination de l’une ou de l’autre au cours de vos repas, sans quoi, l’équilibre serait rompu. Si vous avez du mal à estimer cela, faite appel à un diététicien-nutritionniste qui vous aidera à faire un bilan de votre alimentation et vous conseillera sur les meilleurs aliments à consommer.
Les graisses trans
Les graisses trans sont constituées d’acides gras trans. Ces derniers sont générés lors de l’exposition des graisses insaturées à la chaleur et à de l’hydrogène. On parle d’hydrogénation. L’hydrogénation des huiles végétales les rend solides. On transforme des graisses naturellement insaturées en graisses saturées en quelque sorte ! C’est comme cela qu’est fabriquée la margarine (succédané de beurre).
En se solidifiant, les graisses végétales, à l’origine insaturées, obtiennent les avantages des graisses saturées (forme solide, rancissement plus difficile, résistance à la cuisson) mais aussi les méfaits (troubles du métabolisme, risque cardiovasculaire accru, dyslipidémie, inflammation…). Toute innovation à ses côtés pervers. Ce fût une révolution diététique à l’époque, mais avec le recul, on se rend compte que les graisses trans sont bien pires que les graisses saturées seules (qui restent naturelles, elles).
En effet, les graisses trans industrielles augmentent le mauvais cholestérol (LDL) et diminuent le bon cholestérol (HDL), génèrent de la micro-inflammation, et favorisent la résistance à l’insuline (à l’origine du diabète de type 2).
Méfiez-vous de ces graisses-ci, pas des graisses artisanales comme le beurre, le lait, ou le gras de la viande. Les acides gras trans peuvent avoir des effets délétères sur la santé, même en très petites quantités. Une augmentation de 2% de la consommation de graisses trans augmente de 20% le risque de maladie coronarienne. Rien que ça !
Alors les margarines censées être bonnes pour le cœur, vous pouvez les laisser au supermarché. Comptez plutôt sur un vrai bon beurre bio de ferme, en petite quantité certes, mais avec du vrai gras dedans, du goût et du savoir-faire ; ou bien sur un beurre de cacahuètes ou d’amandes pour un en-cas plus végétal.
L’huile végétale hydrogénée n’est pas la seule source alimentaire de graisses trans. Les graisses trans se retrouvent aussi naturellement dans la graisse de bœuf et les matières grasses issues du lait, mais en bien moindres quantités.
Les bienfaits des graisses pour la santé
Consommées en quantité adéquate, les graisses apportent de nombreux bénéfices pour la santé.
Les graisses sont une excellente source d’énergie
Les graisses sont des nutriments riches en calories : elles contiennent 9 kcal par gramme, soit presque deux fois plus que les protéines et les glucides. À première vue, on pourrait donc supposer qu’une alimentation riche en calories est susceptible de nous faire prendre du poids. Or ce n’est pas aussi simple que cela.
Dans le passé, les graisses étaient la source d’énergie principale et la plus efficace pour notre corps. La nourriture n’était pas toujours à portée de main. En effet, en période de pénurie, manger des nutriments riches en calories était un bon moyen d’obtenir notre carburant quotidien. Mais alors, pourquoi avons-nous de nos jours encore besoin de graisses si la nourriture est si abondante et accessible en permanence ? C’est parce que les graisses augmentent l’effet satiété en retardant la sensation de faim entre deux repas. Paradoxalement, un repas sans aucune graisse ne vous permettra pas de tenir très longtemps avant d’avoir de nouveau faim.
Les graisses sont essentielles à de nombreuses fonctions biologiques
En plus de vous donner de l’énergie, les graisses ont un rôle fonctionnel au sein de l’organisme. Les graisses sont le composant principal des membranes cellulaires, elles jouent un rôle essentiel dans notre système hormonal, et sont très importantes pour notre cerveau. Près de deux tiers du cerveau humain est composé de graisses, notamment d’acides gras oméga 3 (dont l’acide docosahexaénoïque ou DHA, qui est le principal composant de notre cortex cérébral).
Les acides gras sont des éléments vitaux pour votre organisme, mais nombre d’entre eux ne peuvent être synthétisés de novo par notre corps, c’est pourquoi nous devons les obtenir par l’alimentation (ce sont les acides gras essentiels : oméga 6 et oméga 3). Une alimentation pauvre en graisse peut donc être à l’origine de carence micronutritionnelle. Pour pallier cela, les recommandations en matière de consommation de lipides sont passées il y a quelques années de 30-35 % de l’apport quotidien à 35-40%. Afin d’être sûr d’avoir une quantité suffisante de tous les types de graisses (polyinsaturées notamment).
En période de perte de poids, il peut être nécessaire de revoir ce pourcentage à la baisse afin de faciliter la mise en place d’un déficit calorique. Il faudra donc être très vigilant sur la qualité des graisses utilisées et sur leur diversité.
INFO : les nutritionnistes de la Brigade ont bien pris cela en compte, afin de trouver le juste équilibre entre les apports caloriques (pas trop élevés) et les apports en nutriments essentiels (optimaux). Cela est idéal pour perdre du poids tout en se faisant plaisir.
Les graisses favorisent l’absorption des vitamines
Les vitamines sont des micronutriments essentiels qui ne peuvent être apportés que par l’alimentation. Les vitamines A, D, E et K sont strictement liposolubles, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas miscibles dans les mélanges aqueux (riches en eau). Il leur faut des graisses pour être correctement absorbés et assimilés. À l’instar des acides gras essentiels, les vitamines liposolubles sont sujettes à des carences d’absorption en l’absence de graisses alimentaires. La politique du « zéro gras » n’est donc pas bonne pour la santé.
Les graisses augmentent la saveur des aliments
L’ajout de matières grasses dans un repas augmente la palatabilité (capacité à exprimer des saveur agréable en bouche) des aliments.
En plus du sucré, du salé, de l’amer, de l’acide et de l’umami, il existerait un 6ième goût : le goût du gras. En effet, des scientifiques ont mis en avant le fait qu’il existerait dans notre bouche de sortes de papilles gustatives sensibles aux molécules lipidiques. Les résultats de ces recherches nécessitent d’être approfondies, mais elles pourraient expliquer pourquoi nous avons une telle attirance naturelle vers les aliments gras. Cela est peut-être une bonne nouvelle pour encore mieux réhabiliter ces nutriments essentiels à une bonne santé et enfin tirer une croix sur les régimes pauvres en graisses.
Ne faites plus l’impasse sur les matières grasses !
De nombreuses études ont démontré que les graisses ne sont pas aussi dangereuses qu’on le croit. Malgré cela, certaines graisses restent très impopulaires comme les graisses saturées. D’ailleurs, les organismes de santé publique recommandent encore de limiter la consommation de ces graisses. Or, de nouvelles études ont révélé que les graisses saturées ne sont pas aussi toxiques qu’on ne le pense. Une récente étude a démontré qu’elles n’augmentaient pas le risque de maladies coronariennes de manière significative. Elles ne sont qu’un des facteurs de nos modes de vie et ne sont pas les seules responsables des maux qui nous arrivent.
Certaines études montrent même que le remplacement des graisses saturées par des glucides (féculents, sucreries, boissons…) peut entraîner un risque plus élevé de maladie cardiovasculaire et de diabète de type 2.
Pour conclure, bien qu’il n’y ait pas de preuves significatives que les graisses saturées soient mauvaises pour la santé, il est préférable de limiter leur consommation (ce que ne veut pas dire qu’il faut les « retirer ») et de préférer les graisses monoinsaturées et polyinsaturées de haute qualité (ce qui ne veut pas dire qu’il faut en « abuser »).
En revanche, les acides gras trans, eux, sont véritablement nocifs pour la santé. Ces molécules sont quasi inexistantes dans la nature et notre organisme n’y est confronté que depuis quelques décennies. Nous n’avons donc pas assez de recul sur leur innocuité, bien qu’on sache aujourd’hui qu’il n’existe aucune carence possible en acide gras trans. Il n’y a donc aucun intérêt à en consommer, même un tout petit peu. La balance bénéfice/risque penche largement en faveur du risque.
On les trouve dans les aliments industriels (margarine et pâtes à tartiner) car ils ne sont pas chers à produire et rehaussent la saveur des aliments de piètre qualité. Les graisses trans sont mauvaises pour la santé, car elles augmentent le taux de LDL et entraînent un risque accru de maladies cardiaques. Heureusement, les réglementations du monde entier commencent à adopter des stratégies pour empêcher leur consommation. En 2018, le Canada a tout simplement interdit l’utilisation d’huiles hydrogénées dans les aliments produits dans le pays. Un vrai pari de santé publique sur lequel on peut prendre exemple…
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Changeons de regard sur les matières grasses, afin de se libérer de l’injonction à « manger maigre », et décuplons notre plaisir en remettant à leur place les aliments pourvoyeur de gras. Pas sur « l’étagère ou le placard de la honte », mais sur la table de la cuisine ! En cachant trop souvent ce qu’on ne veut pas voir, on se fait des ennemis qui à la base n’existaient pas, mais qui nous blessent quand même, au fond. C’est en les (ré)acceptant dans notre quotidien, qu’il (re) deviennent alors inoffensifs. À méditer.
Les matières grasses à la Brigade de Véro
Bien-sûr à la Brigade, nous prenons soin de favoriser des graisses alimentaires de haute qualité, pas de margarine industrielle pas d’huile de palme, que des bons produits régionaux trié sur le volet : huile d’olive locale, œufs fermiers, crème et beurre fermier…
Le tout, cuisiné dans des proportions idéales pour favoriser le goût tout en optimisant la perte de poids et la santé !
Sources :
- Patricia Passilly-Degrace, Dany Gaillard, Philippe Besnard, Perception gustative des lipides alimentaires, Cahiers de Nutrition et de Diététique, 2008.
- https://www.anses.fr/fr/content/les-lipides
- Institute, N.C., Risk Factor Monitoring and Methods: Table 1. Top Food Sources of Saturated Fat among U.S. Population, 2005–2006. NHANES.
- Siri-Tarino, P.W., et al., Saturated fatty acids and risk of coronary heart disease: modulation by replacement nutrients. Curr Atheroscler Rep, 2010. 12(6): p. 384-90.
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