Bien manger, faire des courses éthiques, mieux respirer, dormir profondément, être musclé ou arrêter de fumer… Il n’y a pas un domaine de la vie de tous les jours qui n’ait pas sont appli dédiée. Mais, aussi pratique et séduisant que cela puisse paraître, il est bon de se demander si notre bien-être et notre santé peuvent tenir dans notre poche, et si cela sert vraiment à quelque chose ? Certaines études ont en effet montré que les applis peuvent parfois augmenter l’anxiété, accroître le risque de mauvais diagnostic, ou encore rendre hypocondriaque ou orthorexique. Alors que penser des applis santé ?
Les différentes applis santé
Nous regroupons sous l’appellation « Appli Santé » toutes les applications mobiles qui concernent l’alimentation, la diététique, le fitness, le bien-être et la médecine et qui ont pour but l’amélioration de la santé ou l’optimisation du quotidien des patients ou des professionnels. Mais avant de savoir s’il est utile d’utiliser des applis pour vivre en meilleure santé, regardons quelles sont les grandes familles d’applis qui existent :
- Les applications « food/nutrition » pour le grand public comme Yuka, une appli pour vérifier la qualité nutritionnelle et environnementale des aliments de supermarché, Youmiam, une appli dédiée à la réalisation de recettes de cuisine visuelles et personnalisables, ou encore Foodvisor un compteur de calories à partir d’une photo de votre assiette.
- Les applications « fitness/wellness » pour le grand public commePetit Bambou, une appli de développement personnel pour aider à la méditation et à la relaxation, Freeletics, une appli de coaching sans salle de sport, ou encore Daily Yoga, une appli de yoga pour maigrir.
- Les applications destinées aux patients. Elles sont souvent dédiées à une maladie en particulier, comme Glucobyte ou Novi-Check pour les personnes diabétiques, ELISP IC pour les malades souffrant d’insuffisance cardiaque, ou encore Pollen et Pollen News des applis qui mettent à disposition des personnes allergiques des prévisions sur les allergènes aériens. On peut aussi parler de Qalyo et Doctisia, qui font office de carnet de santé connectés, ou d’Activ’Dos, une appli pour les personnes souffrant de douleurs dorsales.
- Les applications destinées aux professionnels de la santé comme 360 Medics et Compendium, des bases de données ultra-complètes sur les médicaments, Idomed et Team’Doc, des applis de communication intuitives pour les échanges entre professionnels de santé et la coordination des soins extérieurs.
- Les applications dédiées à la relation entre un professionnel de santé et son patient tel que Mon Coach Douleur, une appli qui accompagne les patients atteints de cancer et facilite les échanges entre les soignés et les soignants, e-Baros, une plateforme de suivi des patients ayant subi une chirurgie bariatrique ou encore Cléo pour les personnes atteintes de sclérose en plaques. Enfin, on peut citer les nombreuses applis de réservation de consultations et de télémédecine comme Doctolib, Qare ou Maiia.
Sauf exceptions, les applis de ces trois dernières catégories sont sans aucun doute très utiles et peuvent apporter un grand confort pour les malades et les praticiens. Mais qu’en est-il des deux premières catégories destinée au grand public. Sont-elles utiles ? Sont-elles dangereuses ? Sont-elles sécurisées ?
Des lacunes en tout point
La société DMD, spécialisée dans la labellisation des applis mobiles de e-santé a analysé les 150 applis santé les plus téléchargées en France, voici son constat :
- 80 % des applis n’ont pas de conditions générales d’utilisation. En les utilisant, on ne sait pas quelles données personnelles sont collectées, ni ce que nous acceptons vraiment en les téléchargeant.
- 60 % comportent un contenu médical ou scientifique, et seulement 19 % d’entre elles citent leurs sources.
- 25 % des applications déclarent l’intervention d’un professionnel de la santé au moment de la conception.
Des travaux similaires ont été effectués par d’autres organisme en France et aux Etats-Unis, et tous arrivent aux mêmes conclusions : les applis santé pour le grand public présentent de sérieuses lacunes tant sur le plan thérapeutique qu’éthique. De nouvelles études doivent être faites pour définir l’utilité des applis santé et vérifier leur intérêt pour les particuliers.
Pour palier ce genre de manquements, une initiative européenne de création de label – à l’instar des labels qualité sur les produits alimentaires – pourrait voir le jour prochainement : le label mHealth Quality. Ce label, qui concernera les applis santé mais aussi les objets connectés, intégrera des aspects très larges comme les lois, la conformité éthique, la sécurité du code, l’ergonomie, la pertinence des contenus médicaux et le respect de la vie privée.
Deux regards sur les applis santé
Pour éclairer notre article, voici deux points de vue opposés de médecins qui sont respectivement pour et contre ce genre d’applis santé :
Dr Husain, professeur de médecine d’urgence en Caroline du Nord (USA)
Il plaide en faveur des applications de santé, affirmant que, « bien que la plupart de ces applis n’aient pas été testées, elles ont un très grand potentiel pour réduire la morbidité et la mortalité ».
« Par exemple, il a été prouvé que certaines applications de perte de poids aident les gens à atteindre leurs objectifs en matière de régime et d’exercice physique », a déclaré le Dr Husain. Il conclut que les applications de santé sont là pour rester, qu’elles sont beaucoup trop nombreuses pour être réglementées et qu’elles peuvent être efficaces si les médecins sont proactifs et disent à leurs patients quelles mesures corporelles sont importantes et quelles applications méritent d’être téléchargées.
Le Dr Spence, médecin généraliste à Glasgow (Écosse)
Le Dr Spence est beaucoup plus véhément à l’égard des applis de santé : « Nous ne devrions pas confondre plus de médecine et une meilleure médecine ». Il a pointé du doigt la sur-utilisation de la technologie dans le domaine de la santé en général.
« Internet a entraîné une augmentation de l’autodiagnostic et a directement conduit à la pagaille chaotique des diagnostics de santé mentale et à la sur-médication d’une génération. Même les applications de santé apparemment bénignes, comme celles qui surveillent l’apport calorique quotidien ou le rythme cardiaque peuvent avoir des effets délétères car « toute incongruité perçue – un battement de cœur sauté, une baisse ou une hausse momentanée et naturelle de la pression artérielle, ou une variation des niveaux d’oxygène – peut amener les gens à ressentir une anxiété inutile et à subir des tests médicaux inutiles. Non seulement la plupart des gens n’ont pas la formation nécessaire pour interpréter ces données, mais les appareils eux-mêmes peuvent ne pas être fiables ou ne pas être assez sophistiqués pour faire ce qu’ils prétendent. »
Alors, les applis santé, utile ou pas ?
Le sujet est tellement profond qu’il ne peut y avoir de réponse claire et précise. Cela dépend de beaucoup de paramètres (autonomie de l’utilisateur, niveau de vie, état de santé, isolement social…) et surtout de l’usage même qui est fait de ces applis. Entre une personne qui va utiliser de temps en temps une appli pour faire la cuisine, et une personne ultra-connectée qui utilisera au quotidien des dizaines d’applis pour monitorer son corps, il y a un gouffre, et l’appli n’y sera au final pour pas grand-chose. Comme avec de nombreux outils de la vie réelle, c’est davantage l’usage – plus que l’objet lui-même – qui permet de dire si un objet est utile ou dangereux.
Chacun est libre d’avoir son propre avis sur la question. Cependant, un travail d’éducation et de formation devrait être fait en amont pour apprendre aux jeunes, mais aussi aux plus anciens, à choisir et à utiliser correctement ces outils numériques pour ne pas tomber dans la consommation abusive. Plus facile à dire qu’à faire quand on sait qu’il existe plus de 100 000 applis santé différentes et que les pratiques liées au digital évoluent très vite, comme on a pu le voir pendant les périodes de confinement, ne laissant que peu de temps au grand public pour s’adapter à ces technologies.
Tant que l’utilisation est raisonnée et que cela correspond à un besoin réel dans votre vie (comme éviter les additifs alimentaires, manger moins de viande ou être moins sédentaire) allez-y. Mais si vous passez plus de temps à « jouer » avec vos applis qu’à atteindre un objectif réel, c’est que vous faite sûrement fausse route.
Il faut garder en tête qu’une appli (dédiée à la santé) doit être un moyen d’atteindre un objectif précis et non un gadget qu’on utilise pour se divertir et avoir un pseudo sentiment de maîtrise de sa santé. Un petit conseil, prenez quelques minutes et faites un petit tour de votre smartphone et devant chaque applis, demandez-vous simplement, pourquoi et pour quoi j’utilise cette appli ?
Un bon usage des applis santé serait d’en utiliser une ou deux maximum (de manière temporaire mais s’y donnant à 100%) pour vous épauler dans vos résolutions et choix de vie par exemple.
Et vous, utilisez-vous des applis pour améliorer votre santé au quotidien ? Faites-le nous savoir en commentaire et donnez-nous votre avis sur celle(s)-ci.
Sources :
- Krebs P, Duncan DT Health App Use Among US Mobile Phone Owners: A National Survey
JMIR Mhealth Uhealth 2015 - https://www.doctissimo.fr/sante/news/applications-sante-utiles-ou-futiles
- https://www.cochrane.org/fr/CD010013/AIRWAYS_les-smartphones-peuvent-ils-ameliorer-lacces-lautogestion-de-lasthme
- https://www.ahajournals.org/doi/pdf/10.1161/CIR.0000000000000232
- https://esante.gouv.fr/sites/default/files/media_entity/documents/doctrine2020_4.1_ens_concertation_v1.pdf
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