Définition

Manger, verbe \mɑ̃.ʒe\ :
1. absorber des aliments.
2. avaler après avoir mâché.

Quand on regarde les définitions du mot manger, on s’aperçoit rapidement qu’il manque quelque chose. On reste un peu sur notre faim… Si manger était si simple que cela (je mâche, j’avale, j’absorbe), la nourriture ne devrait pas générer autant de maladies chez les consommateurs qu’elle est censée faire vivre ! Et pourtant.

Effectivement, ces définitions semblent désuètes et incomplètes. Creusons un peu pour voir ce qu’il leur manque. En nous intéressant notamment aux notions de plaisir et de partage, nous allons voir que manger ce n’est pas seulement ingurgiter des calories, des protéines ou des vitamines, cela va au-delà de l’aliment lui-même.

Faites le plein de « vitamine P »

La vitamine P, vous n’en avez jamais entendu parler ?! C’est normal, la vitamine P (Plaisir) n’est pas une vraie vitamine, c’est une image utilisée pour symboliser le caractère essentiel des émotions qui sont liées à nos prises alimentaires, et notamment le plaisir.

En effet, le niveau de plaisir que nous éprouvons en mangeant a des conséquences biochimiques qui affectent directement notre métabolisme et notre digestion, et donc notre santé. On estime que 50% de notre santé liée à la nutrition est corrélée à ce que nous mangeons. Les 50% restant concernent la manière et le contexte dans lequel nous mangeons. Les calories et l’équilibre nutritionnel ne font donc pas tout !

Le plaisir, qu’il soit apporté par la nourriture ou par une expérience agréable, active dans notre cerveau (système nerveux parasympathique) un état de relaxation, c’est le même interrupteur qui active notre digestion. À l’inverse, l’interrupteur du cerveau qui active le stress, l’anxiété et la peur (le système nerveux sympathique) désactive la digestion et l’assimilation des nutriments. Il existe donc un lien biochimique direct entre le fait de manger avec plaisir et notre métabolisme. Vous pouvez manger votre plat préféré, mais si vous culpabilisez, êtes malheureux ou stressé pendant que vous le mangez, vous ne recevez pas de plaisir et serez en situation de stress. Cela entraînera un ralentissement de la digestion, et une mauvaise absorption des nutriments. Ce manque de nutriments et ce stress augmenteront vos niveaux de cortisol et d’insuline, et indiqueront à votre corps qu’il doit stocker des graisses.

Étant donné que le plaisir est le pivot de notre santé, l’équilibre nutritionnel de l’aliment ingéré importe peu. Par exemple, pour diminuer son risque de prendre du poids, il ne faut pas rechercher à éviter ce qu’on pense être de « mauvais » aliments (gras ou sucrés), mais plutôt éviter de « mal » (sans réel plaisir) manger ces aliments. Eh oui, même si c’est difficile à croire, savourer une tartiflette entre amis c’est largement mieux que de se gaver de salade verte tout seul. En tout point !

barbecue entre amis

Ne restez pas sur votre faim

Notre système nerveux primitif est programmé pour rechercher le plaisir et éviter la douleur. Quand nous mangeons, nous recherchons le plaisir de la nourriture et évitons la douleur de la faim. Cependant, on ne peut pas recevoir de plaisir si on est pas conscient de le faire. Ainsi, l’expérience du plaisir au cours d’un repas peut rapidement tomber à la trappe si notre attention est mise sur autre chose que notre plat. Et si on n’obtient pas le plaisir recherché, le cerveau interprète cette expérience manquée du plaisir comme une faim. Et qui dit faim, dit recherche de nourriture. C’est la porte ouverte à la suralimentation et notre santé se dégrade indépendamment de notre volonté. En ne dégustant pas nos plats et en les avalant à toute vitesse, sans recherche d’hédonisme, nous ne profitons pas pleinement de l’expérience, et nous restons donc sur notre faim, au sens propre comme au sens figuré !

Pour manger avec plus de plaisir et plus de conscience, il faut ralentir, et surtout savourer. La seule façon de manger avec plaisir est de remarquer qu’il y a du plaisir à prendre. Soyez donc attentif, prenez votre temps et savourez votre nourriture. Vous découvrirez peut-être que vous n’appréciez pas certains aliments autant que vous le pensez, ou qu’il n’en faut pas autant pour vous satisfaire.

Privilégiez le partage et la convivialité

Il est théoriquement possible de fabriquer des barres ou des gélules qui couvrent 100% de nos besoins nutritionnels, à la calorie près. Pourtant, des études ont montré qu’une telle alimentation engendrait systématiquement un état dépressif et une dégradation de la santé générale, alors même que l’organisme ne manquait d’aucun nutriment ! La faute au manque de plaisir. C’est d’ailleurs pour cela que les explorateurs (comme Mike Horn), les skippers ou les astronautes (comme Thomas Pesquet) n’emportent pas nécessairement que des aliments « pratiques » ou lyophilisés mais une grande majorité de vrais plats cuisinés et mitonnés par des cuisiniers. Comme à la Brigade finalement !

repas entre amis bandeau

Il est important de prendre du plaisir à manger non seulement en étant conscient et en mangeant des choses qui nous plaisent, mais aussi en faisant attention au contexte dans lequel on mange. Si ce contexte est aussi générateur de bonheur et de bien-être, tous les processus biochimiques à impact positif évoqués précédemment seront décuplés. Un repas entre amis, où l’on rigole et s’amuse, est un parfait moment de convivialité qui sera pleinement bénéfique pour notre digestion et donc pour notre santé.

Le mot « convivial » provient du latin convivialis qui désigne « un repas pris en commun ». On remarque d’ailleurs que dans les sociétés où les repas sont les plus conviviaux (plats mis en commun au centre de la table, repas multigénérationnels, cuisine en famille, etc) comme c’est le cas traditionnellement en Asie, en Amérique Latine ou au Maghreb, les populations sont beaucoup moins sujettes à l’obésité et aux maladies cardiovasculaires. En Amérique du Nord et dans les sociétés plus occidentalisées (où l’obésité connait des taux très élevés) on constate l’effet inverse : les repas – souvent transformés – sont pris de manière plus individuelle, sans réel partage.

Parce que le partage et le plaisir ne peuvent pas se condenser dans une pilule, l’alimentation la plus équilibrée qui soit, ne remplacera jamais (ou seulement à très court terme) un vrai repas composé de vrais aliments, cuisinés avec amour ! À l’aune de ce que l’on vient d’évoquer, voyons comment nous pourrions redéfinir le mot « manger ».

Manger, verbe \mɑ̃.ʒe\ :

1. absorber des aliments que l’on aime et les savourer (plaisir).
2. avaler après avoir mâché et déguster des aliments, en présence de gens qu’on apprécie (convivialité).

C’est mieux, non ?

Un des piliers de la Diététique – que l’on remonte aux préceptes de l’antiquité (Hippocrate, Pythagore, Plutarque ou Porphyre) ou que l’on prenne en compte les recommandations plus actuelles – c’est de considérer que les aliments ne servent pas uniquement à alimenter le corps, mais aussi à nourrir l’esprit, littéralement.

Sources :
• Dupuy, A. & Poulain, J. Le plaisir dans la socialisation alimentaire. 2008
• Félix Gaffiot, Dictionnaire latin français, Hachette.
• Marc David. The Slow Down Diet Eating for Pleasure, Energy, and Weight Loss. 2005
• Landry M, Lemieux S, Lapointe A, Bédard A, Bélanger-Gravel A, Bégin C, Provencher V, Desroches S. Is eating pleasure
compatible with healthy eating? A qualitative study on Quebecers’ perceptions. Appetite. 2018

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